4.2. Élaboration et mise en œuvre des politiques d'ATLV grâce au modèle de la ville apprenante

Soumis par uil_maintainer le jeu 03/11/2022 - 14:06

En 2012, l'Institut de l'UNESCO pour l'apprentissage tout au long de la vie a hissé le concept sur la scène internationale et créé le Réseau mondial UNESCO des villes apprenantes (GNLC). Le Réseau s'est ouvert à l'adhésion en 2015 et relie désormais plus de 200 villes apprenantes à travers le monde. Le GNLC les aide à élaborer des approches d'ATLV holistiques et intégrées, à reconnaître les besoins de tous leurs apprenants et à améliorer l'accès des groupes marginalisés et vulnérables à l'apprentissage. Il encourage le dialogue sur les politiques et l'apprentissage par les pairs entre ses membres, favorise les partenariats, renforce les capacités et élabore des instruments visant à promouvoir et reconnaître les progrès dans la construction des villes apprenantes. En 2015, le GNLC de l'UNESCO a publié des Lignes directrices pour la création d'une ville apprenante (UIL, 2015a), qui contiennent un ensemble de recommandations applicables à toutes les étapes du processus de transformation en ville apprenante, dans six grands domaines d'action : planification, engagement, célébration, accessibilité, suivi et évaluation et financement.

Le reste de ce chapitre utilise le cas d'étude du GNLC de l'UNESCO pour montrer comment on peut appliquer concrètement les informations, les idées et les conseils de ce manuel concernant l'élaboration des politiques d'ATLV et la conception de stratégies de mise en œuvre au niveau national. En se focalisant sur le niveau local, il démontre que le développement de l'ATLV au niveau national est tributaire et se nourrit des développements au niveau local.

Encadré 4.1. Histoire de Bêtaville

Imaginons ensemble une ville, qui peut située non loin de la vôtre et qui lui ressemble. Qu'est-ce qui vous inciterait à en faire une ville apprenante ? Nous l'appellerons « Bêtaville » et, afin d'illustrer l'efficacité de l'approche de la ville apprenante, nous nous efforcerons de l'engager sur la voie du développement durable.

4.2.1. Identifier et diagnostiquer une question de politique publique

Comme expliqué au chapitre 2, une étape initiale essentielle de la conception de toute politique publique consiste à définir le problème à traiter. Comme le souligne Bardach (2000), cette étape est indispensable pour mettre en évidence et exposer les raisons de la mise en œuvre d'un programme ou d'une intervention. Définir clairement un problème consiste à en diagnostiquer les causes et à préciser les changements attendus et les caractéristiques possibles de l'intervention. Étant donné que les gouvernements sont confrontés à d'innombrables défis liés aux contextes et aux caractéristiques de leurs communautés, l'identification des problèmes spécifiques auxquels le modèle de la ville apprenante pourra remédier peut s'avérer une tâche complexe. Les gouvernements locaux représentent le niveau de gouvernance le plus proche de la population, et sont donc le meilleur lien entre les objectifs mondiaux et les communautés locales.

Dans cette section, nous présenterons trois questions de politique publique pour illustrer quelques unes des priorités des politiques d'ATLV et de leur mise en œuvre : (1) l'urbanisation, le changement climatique et les risques sanitaires ; (2) l'aggravation des inégalités sociales ; (3) le chômage et le manque de développement économique.

Encadré 4.2. Histoire de Bêtaville

Comment identifier les défis de Bêtaville ? Pour bien comprendre les problèmes qui se posent au niveau des politiques, il nous faudra mener de vastes consultations à travers la ville, interroger les responsables des différents secteurs (environnement, justice, santé, éducation, commerce et industrie, services sociaux, culture, technologies, ONG) et utiliser les capacités de recherche de l'université locale pour analyser les données recueillies. Une fois que nous disposerons de données probantes concernant la ville, nous pourrons nous concentrer sur les trois défis de politique publique : (1) l'urbanisation, le changement climatique et les risques sanitaires ; (2) l'aggravation des inégalités sociales ; (3) le chômage et le manque de développement économique. Pour mener à bien cet exercice, nous inventerons des données factuelles pour Bêtaville. Nous le ferons sans oublier de reconnaître ses côtés positifs : son formidable esprit communautaire et une compassion peu courante envers les étrangers, en particulier ceux qui sont dans le besoin.

Urbanisation, changement climatique et risques sanitaires

L'essor rapide des villes engendre de nouveaux problèmes en matière de développement durable. On estime que, d'ici à 2030, la part de la population mondiale vivant en zone urbaine passera à 60 %, contre 55,3 % en 2018 (DAES ONU, 2018). La tendance à l'urbanisation entraîne non seulement une augmentation du nombre d'urbains, mais aussi celle du nombre de mégapoles, c'est-à-dire de villes de 10 millions d'habitants ou plus, qui devrait passer de 33 en 2018 à 43 en 2030 (ibid.). Cette expansion créera des risques auxquels les gouvernements locaux devront faire face, notamment ceux liés à la pollution et à la santé.

Avant même la pandémie de COVID-19, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) soulignait la nécessité d'investir dans la santé et le bien-être comme condition préalable à l'instauration de sociétés équitables, durables et pacifiques, en accordant une attention particulière aux inégalités de genre, aux groupes les plus à risque de vulnérabilité, à la santé des enfants et au lien entre une bonne santé et un fonctionnement social optimal. (Bureau régional de l'OMS pour l'Europe, 2017 et 2018 ; Watson et Wu, 2015). Les communautés locales sont confrontées aux défis liés à la pollution, au climat, à la santé et à une combinaison de ces trois facteurs. La pandémie de COVID-19 a confronté de nombreux membres du GNLC de l'UNESCO à de graves difficultés, notamment un nombre record d'enfants et de jeunes privés d'école ou d'université en raison des fermetures temporaires ou à durée indéterminée imposées par les gouvernements pour tenter de ralentir la propagation du virus. La pandémie de COVID-19 et ses effets continueront de dominer les questions de politique publique pour les villes apprenantes dans les années à venir.

Encadré 4.3. Histoire de Bêtaville

Bêtaville est une ville côtière où il existe un faible risque d'inondation à l'est, dans les basses terres situées près de l'estuaire du fleuve. Cette zone, où vit une communauté pauvre, peu qualifiée, avec un fort taux de chômage et composée à la fois de locaux et de migrants, est urbanisée depuis peu. L'assainissement y est satisfaisant, à condition qu'il n'y ait pas d'inondations. Le fleuve est pollué par le ruissellement des engrais provenant d'activités agricoles en amont, et il est sujet à des crues éclairs après les orages, si bien que des sacs de sable ont été distribués aux résidents de la zone est pour le cas où cela se produirait. Une grande entreprise établie de l'autre côté de l'estuaire, juste en dehors des limites de la ville, utilise des combustibles fossiles et provoque de la pollution atmosphérique. Ces problèmes sont difficiles à résoudre : la ville a besoin de la production alimentaire issue des activités agricoles et des emplois créés par la grande entreprise, tout en assurant la sécurité des migrants qu'elle accueille, qui sont les bienvenus et contribuent de bien des manières à la vie de la cité.

Comment l'apprentissage peut-il aider à relever ces défis majeurs ?

La pandémie de COVID-19 va exacerber les inégalités à Bêtaville, et l'est de la ville connaîtra un pourcentage de cas bien plus élevé que l'ouest. Cela tiendra peut-être à ses foyers surpeuplés et multigénérationnels, à une offre plus réduite de services de santé de proximité ou à un manque de compréhension des mesures de prévention. Les services de santé de Bêtaville seront soumis à une forte pression, et il faudra améliorer l'éducation à la prévention et la lutte contre les infections.

Bien que la ville ait globalement un bon service de téléphonie mobile, la couverture internet est meilleure dans la zone ouest en raison des investissements réalisés dans le quartier des affaires par un grand fournisseur d'accès.

Inégalités sociales

Selon un récent rapport d'ONU-Habitat sur les villes du monde, « en cette période d'urbanisation rapide et d'évolution technologique fulgurante, dans un contexte de crises écologique et de santé publique et de profondes inégalités sociales, les villes restent la clé de voûte du développement durable et de la réalisation des objectifs climatiques » (ONU-Habitat, 2020, p. 180). Le rapport souligne également que « les inégalités de revenus se sont creusées depuis 1980 pour plus des deux tiers de la population urbaine mondiale » (ibid., p. xvii). Pour offrir à tous des possibilités d'apprentissage équitables et inclusives, les villes apprenantes doivent s'attaquer à toutes les formes d'exclusion, de marginalisation et d'inégalité dans l'éducation en termes d'accès, de participation, de rétention et d'achèvement. Les villes apprenantes doivent également prendre des mesures concrètes pour mettre fin à toutes les formes de discrimination fondée sur le genre.

Une autre question en lien avec les inégalités sociales est le vieillissement de la société. Les échanges intergénérationnels sont importants pour assurer la cohésion sociale à tous les âges. Des efforts sont également nécessaires pour aider à lutter contre l'isolement et l'exclusion. Dans les deux cas, on peut s'attaquer aux inégalités sociales dominantes en mobilisant les communautés et les gouvernements locaux dans le cadre du modèle de la ville apprenante.

Encadré 4.4. Histoire de Bêtaville

Bêtaville est une société vieillissante, consciente de l'impact de ce phénomène sur son marché du travail. La récente pénurie de gens de métier tels que les maçons, les charpentiers, les électriciens et les plâtriers en est la preuve, car la main-d'œuvre existante dans ces professions approche de l'âge de la retraite. Le vieillissement de la population a également un impact sur les services de santé, or il y a une pénurie de soignants dans la ville. Les habitants sont connus pour leur humanité et Bêtaville accueille des migrants et des réfugiés, tout en reconnaissant qu'ils peuvent apporter une solution aux pénuries de main-d'œuvre.

Cependant, les données révèlent que Bêtaville est en deux parties, avec une différence d'espérance de vie de 10 ans entre les zones est et ouest. L'investissement dans les écoles est historiquement déséquilibré en raison de la plus grande pression politique exercée par les citadins de la zone ouest, plus riche, ce qui signifie que les enfants de la zone est doivent faire un plus long trajet pour pouvoir fréquenter une école de bonne qualité. Les registres de fréquentation montrent aussi que les enfants vivant du côté est de la ville ont bien plus de risques d'être des jeunes NEET (ni en études, ni en emploi, ni en formation). Et bien qu'il offre aussi quelques possibilités de stages d'apprentis en différents points de la ville, où elles attirent principalement les garçons, l'institut supérieur de formation est situé dans la partie ouest.

L'université compte très peu d'admissions en provenance des communautés de l'est. Elle prévoit toutefois de prendre des initiatives pour remédier à ce problème. Elle a par ailleurs été forcée de suspendre ses programmes d'éducation des adultes en raison de contraintes financières. L'institut supérieur de formation offre aux adultes un programme limité d'apprentissage des langues et de l'artisanat, et la municipalité organise des cours d'ATLV dans le domaine des arts et de la culture, qui attirent surtout des participants de l'ouest de la ville. Cette situation est conforme aux tendances nationales, où l'on a constaté que ceux qui ont déjà participé à l'enseignement supérieur sont plus susceptibles de s'engager dans l'apprentissage tout au long de la vie.

Chômage et manque de développement économique

L'un des principaux défis pour les gouvernements locaux et nationaux est de garantir l'accès aux possibilités d'emploi. Bien que plusieurs facteurs soient généralement invoqués pour expliquer leur répartition inégale, l'un d'entre eux, particulièrement pertinent pour les villes, est la forte augmentation de la migration des zones rurales vers les zones urbaines, où vit « la majeure partie des pauvres du monde » (Banque mondiale, 2020). Ces migrants sont « peu instruits, employés dans le secteur agricole et âgés de moins de 18 ans » (ibid.). Lorsqu'elles sont combinées, ces conditions incitent d'autant plus à migrer vers les zones urbaines. Il faut toutefois garder à l'esprit que la nature exacte du chômage dépendra des défis spécifiques auxquels une ville est confrontée.

Ces trois questions de politique publique ‒ (1) l'urbanisation, le changement climatique et les risques sanitaires ; (2) l'aggravation des inégalités sociales ; (3) le chômage et le manque de développement économique – sont des priorités auxquelles on peut répondre grâce au modèle du GNLC de l'UNESCO. En tant que politique d'ATLV, il vise à créer des possibilités d'apprentissage pour tous, dans les cadres tant formel que non formel, en impliquant différentes parties prenantes et en envisageant la participation de différentes agences et organisations.

Encadré 4.5. Histoire de Bêtaville

Le taux de chômage est élevé dans les communautés de l'est de Bêtaville. Les employeurs potentiels se plaignent d'un manque de compétences générales et d'éthique professionnelle des chômeurs locaux. Les nouveaux migrants viennent surtout des zones rurales et sont désireux de travailler, mais manquent de compétences technologiques, tandis que les réfugiés ont souvent des besoins linguistiques. La rareté des possibilités d'emploi dans les zones rurales est actuellement la principale raison qui pousse à migrer vers Bêtaville.

Dans le même temps, les employeurs de Bêtaville signalent des pénuries de compétences, en particulier dans le nouveau secteur des centres d'appels, qui exige une certaine maîtrise des technologies et une série de compétences générales. Les migrants sont désireux d'acquérir de nouvelles compétences, mais ils ont un long trajet à faire jusqu'à l'institut supérieur de formation situé à l'ouest de la ville, et leurs transports publics sont peu fiables et coûteux. Les employeurs se plaignent que le programme de l'enseignement professionnel et supérieur ne répond pas à leurs besoins de travailleurs qualifiés.

La grande entreprise située près de l'estuaire vient d'annoncer d'importants licenciements en raison de la concurrence mondiale. Un nouvel employeur qui gère un centre d'appels envisage de s'étendre à Bêtaville, mais veut s'assurer que les compétences dont il a besoin seront disponibles.

4.2.2. Conception et mise en œuvre : quelles sont les innovations politiques requises ?

Conformément au processus d'élaboration des politiques exposé au chapitre 2, une fois qu'un problème public a été défini, les étapes suivantes consistent à concevoir des innovations politiques et à mettre en œuvre des initiatives.

Domaines d'action des villes apprenantes

Le modèle de la ville apprenante, qui repose sur l'identification minutieuse des problèmes, prône six différents « domaines d'action » que l'on va examiner ici. Ils couvrent plusieurs environnements d'apprentissage (établissements d'enseignement, famille, communauté, lieu de travail, apprentissage en ligne), visent à accroître l'accessibilité et la participation à l'apprentissage de tous les groupes de la société (« apprentissage inclusif ») et traitent des conditions et de la motivation nécessaires pour l'apprentissage tout au long de la vie (« culture de l'apprentissage »).

Nous examinerons chacun de ces domaines d'action sous l'angle des innovations politiques contribuant à la mise en œuvre de l'ATLV dans les villes. Plusieurs de ces points renvoient aux domaines de mise en œuvre de l'ATLV traités au chapitre 3.

1. Promouvoir l'apprentissage inclusif, de l'enseignement de base à l'enseignement supérieur et au-delà

Les villes peuvent promouvoir l'apprentissage inclusif au sein du système éducatif en élargissant l'accès à l'éducation à tous les niveaux, depuis la protection et l'éducation de la petite enfance (PEPE) jusqu'à l'enseignement primaire, secondaire et supérieur, en passant par l'éducation des adultes et l'enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP). Elles peuvent aussi soutenir les parcours d'apprentissage flexibles en offrant diverses possibilités d'apprentissage permettant d'acquérir des compétences variées. Pour que soit garanti l'accès de tous les habitants d'une ville et de ses environs, il faut appporter un soutien particulier aux groupes marginalisés, notamment aux familles de migrants.

Comme on l'a vu au chapitre 3, il existe de nombreuses interventions aptes à promouvoir l'apprentissage inclusif à tous les niveaux, et dans toutes ses modalités, formelles, non formelles et/ou informelles. Comme il convient à ce stade de définir des objectifs politiques et des interventions spécifiques, il est important de se concentrer sur les domaines de compétence de la municipalité en matière éducative. S'agissant par exemple de l'éducation formelle, il est moins probable que les villes exercent un contrôle direct sur les programmes d'études ou la formation des enseignants, mais elles peuvent être en partie responsables de la gestion des bâtiments scolaires et de l'infrastructure éducative générale, y compris être en capacité de rouvrir les écoles après la journée scolaire pour qu'elles servent à la communauté locale, comme décrit au chapitre 3. S'agissant de l'éducation non formelle, une ville peut disposer d'un certain pouvoir dans le domaine de la PEPE, de la formation de facilitateurs ou des programmes d'éducation de base, aussi ces aspects peuvent-ils être traités en planifiant une intervention pour atteindre des objectifs politiques précis.

Si beaucoup interventions visant à promouvoir l'apprentissage inclusif dans les villes par le biais du modèle de la ville apprenante sont conçues par les administrations municipales, les établissements d'enseignement supérieur (EES) apportent également des contributions précieuses et soutiennent souvent activement le développement des villes apprenantes. Tant dans les villes apprenantes en devenir que dans celles déjà établies, ce sont souvent les parties prenantes des EES locaux qui dirigent ce processus ou qui conseillent les municipalités et fournissent de précieuses ressources. Bien que leur participation varie d'une ville à l'autre, les EES prennent une part importante à la stratégie, à la planification, à la coordination et à la mise en œuvre. Ces efforts se font souvent dans le cadre de leur « troisième mission » au service de l'ATLV qui, comme expliqué au chapitre 3, peut également les conduire à créer des programmes flexibles à l'intention d'apprenants non traditionnels.

Encadré 4.6. Histoire de Bêtaville

À l'intérieur de Bêtaville, on observe clairement une répartition inégale des possibilités éducatives, puisque les écoles, l'institut et l'université sont situés dans la partie ouest, et qu'il n'existe pas de moyens de transport suffisants pour s'y rendre. Les chercheurs en sciences sociales de l'université ont mené des recherches et obtenu des résultats préoccupants qui soulignent le faible niveau d'études des quelques rares habitants de l'est ayant fait une demande d'inscription à l'université. Pour y remédier, le recteur a convoqué en réunion l'ensemble des prestataires d'éducation de la ville, établissements d'apprentissage formels et non formels compris (voir le chapitre 3) et a créé le Partenariat pour l'apprentissage de Bêtaville (PABV).

 

Les membres du PABV ont vite compris qu'il leur fallait aussi des représentants des employeurs, du secteur bénévole, des services sanitaires, des ONG et des services d'orientation professionnelle. Ils ont également reconnu la nécessité de consulter les représentants communautaires.

L'université a organisé un forum où ont été présentées les données recueillies à travers la ville et où toutes les personnes présentes ont convenu que des solutions devaient être trouvées. L'offre actuelle et les voies de progression ont été cartographiées et les lacunes identifiées. Les employeurs ont formé des sous-groupes sectoriels et fourni des informations précises sur les compétences actuellement nécessaires dans leur branche. L'administration municipale a également compris la nécessité de modifier l'affectation des ressources, et lorsqu'il a été convenu de financer une nouvelle école primaire, de la construire dans la partie est.

Sur le plan culturel, Bêtaville possède une scène musicale florissante, un musée, un théâtre et une galerie d'art, et organise chaque année un carnaval qui attire de nombreux touristes. Bêtaville a décidé de relier les cours d'ATLV de la municipalité à ces événements culturels, en encourageant les apprenants à se rendre au théâtre, à visiter le musée et les expositions d'art, et à participer au carnaval.

2.    Revitaliser l'apprentissage au sein des familles et des communautés

La famille est un cadre particulièrement important d'apprentissage informel, qui joue un rôle clé dans la modification de certains comportements sociaux néfastes pour les communautés. L'apprentissage familial et communautaire renforce aussi la cohésion sociale et peut améliorer la qualité de vie de tous les membres d'une société. L'apprentissage tout au long de la vie ne devrait pas se cantonner aux établissements d'éducation et aux lieux de travail, et une attention particulière devrait être portée aux groupes vulnérables, notamment aux pauvres, aux personnes handicapées, aux réfugiés et aux migrants. On trouve un exemple du type d'interventions attendues à Nzérékoré, en Guinée, où des initiatives municipales ont permis aux habitants de se former à la protection de leur environnement et à la préservation de l'hygiène publique : un projet de gestion des déchets de grande envergure a mobilisé la population locale et créé des emplois pour les groupes vulnérables (UIL, 2017).

Le chapitre 3 a donné de nombreux exemples d'apprentissage se déroulant au sein de la famille et de la communauté. Des initiatives non formelles et informelles comme l'apprentissage familial et les cercles d'études peuvent figurer parmi les interventions conçues par les villes. Celles-ci peuvent également soutenir les institutions locales encourageant l'apprentissage dans le cadre familial et communautaire, tels que les centres d'apprentissage communautaires (CAC) ou les bibliothèques publiques. Pendant la pandémie de COVID-19, les villes ont joué un rôle actif pour promouvoir l'apprentissage à des fins de santé et d'hygiène publiques au sein des communautés locales, démontrant ainsi l'impact des interventions municipales dans ce domaine d'action. À Mayo-Baléo, au Cameroun, un partenariat a été établi entre la mairie et un réseau d'entraide locale pour la diffusion d'informations sur le COVID-19, et à São Paulo, au Brésil, la municipalité a lancé un programme de repas scolaires d'urgence lors des perturbations scolaires causées par la pandémie (UIL, 2021). Ces différentes options montrent qu'associer aux politiques des objectifs et des interventions spécifiques permet de revitaliser l'apprentissage au sein des familles et des communautés.

Encadré 4.7. Histoire de Bêtaville

À Bêtaville, une consultation avec des représentants de la communauté de la zone est a révélé la nécessité de renforcer l'offre locale d'éducation des adultes, sans que l'on sache réellement comment les encourager à participer. Avec le soutien des centres d'apprentissage communautaires, le PABV a donc organisé dans le centre commercial de la ville des rencontres entre les prestataires d'éducation et les habitants, pour que ceux-ci fassent part de leurs besoins d'apprentissage. La participation des habitants de l'est a été faible, indiquant la nécessité d'adopter une autre approche.

Ayant soutenu cette opération de communication auprès des habitants, les centres d'apprentissage communautaires membres du PABV ont soumis ses premiers résultats à leurs partenaires universitaires. L'université a envoyé des spécialistes en sciences sociales recueillir les avis des résidents de l'est dans les cafés et autres lieux de rencontre communautaire habituels. Il en est ressorti qu'une approche par « parachutage » était vouée à l'échec et que le désir d'apprendre devait venir de la communauté elle-même. Mais comment obtenir ce résultat ?
 
La chance a voulu que suite à cette consultation, un groupe de femmes de la zone est s'est intéressé à la possibilité d'avoir des cours pour adultes dans leur quartier et a décidé de prendre les devants. Elles se sont souvenues que l'ancien dispensaire était devenu vacant suite à la construction d'un nouveau centre de santé. Elles ont donc  exposé leur projet aux autorités sanitaires, qui leur ont accordé la jouissance du bâtiment contre un loyer symbolique. Elles ont ensuite obtenu que le lieu soit rénové pour accueilir des activités d'apprentissage communautaire.  

Les travaux de rénovation proprement dits, entrepris par des bénévoles de la communauté, ont servi d'activité d'apprentissage et créé un sentiment d'appartenance communautaire. Pour rendre le bâtiment accessible, il fallait des fonds, qui ont été fournis par la municipalité, qui prévoit de les récupérer en louant l'espace aux prestataires d'éducation. Fait important, la municipalité a également fourni les conseils d'expert de ses géomètres et de son service d'urbanisme. Le modèle a bien fonctionné et le bâtiment a rapidement été ouvert et habilité à accueillir des cours.
 
Au début, les cours ont été peu suivis. Clairement, il allait falloir négocier le programme avec la communauté. Cet exercice a été de nouveau confié aux spécialistes en sciences sociales de l'université, ainsi qu'à des enseignants des cours pour adultes des centres d'apprentissage communautaires. Une majorité d'adultes de la zone est a plébiscité les cours d'initiation aux TIC, peut-être parce qu'il leur était plus facile de se plaindre de l'indisponibilité des TIC pendant leur scolarité que d'admettre leurs propres besoins en alphabétisation. Lorsqu'un fournisseur d'accès internet local a fait don de l'accès gratuit au centre d'apprentissage, un employeur local a compris que le centre pouvait lui fournir de futurs employés et a commencé à proposer des cours de formation aux TIC. Des cours d'enseignement ménager, comme la cuisine ou la couture, ont été rapidement mis en place, suivis par des formations artisanales comme la menuiserie, le filage et le tissage, ainsi qu'une formation de base à l'entretien ménager.  

Malgré la gratuité des cours, après un engouement initial, les femmes ont brillé par leur absence : ne pouvant faire garder leurs enfants, les mères avaient du mal à s'y rendre. Le groupe des femmes de l'est a donc créé dans le centre une crèche pourvue d'équipements de qualité, améliorant ainsi la PEPE dans la zone. Parallèlement, l'institut supérieur de formation s'est servi de la crèche pour offrir une expérience professionnelle dans le cadre de la formation des nouveaux agents de PEPE, à laquelle se sont inscrites certaines femmes de ces quartiers.
 
Les premières formations qualifiantes dispensées dans le centre portaient sur la garde d'enfants, le développement de l'enfant et les soins aux personnes âgées. Un dispositif de reconnaissance, validation et accréditation (RVA) et d'accumulation et transfert de crédits a été mis en place (voir le chapitre 3). Un espace a été alloué pour une cuisine, ouverte au public et servant de cantine pour les apprenants et le personnel. Elle a également été utilisée par l'institut supérieur de formation pour les cours de cuisine.

Les apprenants ont indiqué que leur participation aux cours modifiait l'attitude de leurs enfants vis-à-vis de l'apprentissage, car ils voyaient leurs parents ou tuteurs leur montrer l'exemple. Enfin, à la demande de la communauté, des cours de préparation à l'enseignement supérieur ont été mis en place : des manuels ont été fournis par la bibliothèque municipale pour soutenir l'apprentissage et les cours de préparation. Enfin, une petite bibliothèque annexe a été implantée dans le centre d'apprentissage.
 
Tout cela ne s'est pas réalisé en un jour, et on peut en tirer plusieurs enseignements importants :

  • le « parachutage » d'une intervention dans une communauté ne fonctionne pas : l'initiative doit venir de la communauté elle-même ;
  • le programme doit être flexible et négocié de manière à répondre aux besoins de la communauté, et les apprentissages antérieurs et l'expérience des apprenants doivent être reconnus ;
  • des services de garde d'enfants et de collation, des équipements technologiques et des ressources de bibliothèque doivent étayer l'initiative ;
  • Il est plus rentable et durable de faire venir l'enseignant vers les apprenants que d'emmener une classe nombreuse d'apprenants jusqu'à un enseignant.
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Pendant la pandémie de COVID-19, des cours d'éducation sanitaire et des colis alimentaires d'urgence remplaçant les repas scolaires ont été fournis par le centre, qui est devenu un important point focal communautaire en période de crise.

3.Promouvoir l'apprentissage pour l'emploi et sur le lieu de travail

Offrir des possibilités d'apprentissage adaptés à tous les membres de la population active ainsi qu'aux jeunes et aux adultes sans emploi revêt une importance particulière pour toute ville apprenante. En raison de la mondialisation, des progrès technologiques et de l'essor des économies du savoir, la plupart des adultes doivent régulièrement mettre à jour leurs connaissances et leurs compétences. Les organismes publics et privés doivent adopter une culture de l'apprentissage pour répondre aux besoins spécifiques de différentes populations qui cherchent à améliorer leur employabilité. Dans les villes, des parcours d'apprentissage flexibles peuvent faciliter la transition des individus entre l'éducation et l'emploi.

Encadré 4.8. Histoire de Bêtaville

À Bêtaville, on craignait une vague de licenciements, or les compétences manuelles de l'industrie lourde n'étaient pas demandées ailleurs dans la région. Cela posait un énorme défi pour la ville, car il fallait de gros soutiens pour assurer la reconversion de cette main-d'œuvre, essentiellement masculine et avancée en âge. La première étape a consisté pour le Partenariat pour l'apprentissage de Bêtaville (PABV) à leur fournir des conseils en orientation, pour qu'ils soient bien informés des futures possibilités d'emploi et des nouvelles compétences qui leur seraient nécessaires. Une pénurie de travailleurs spécialisés fut signalée dans la ville et une analyse des compétences a révélé que bon nombre des travailleurs licenciés avaient acquis de manière informelle des compétences spécialisées dans des domaines comme la plâtrerie, la menuiserie et l'électricité, ainsi que des compétences générales dans le bâtiment. Un programme de formation combiné à la RVA de ces compétences a été proposé par l'institut supérieur de formation, et une initiative intitulée « Accès rapide aux métiers » a été mise sur pied.

Comprenant qu'ils ne trouveraient pas d'emplois similaires à ceux qu'ils avaient perdus, bon nombre de travailleurs licenciés ont profité des possibilités de formation, et la pression sur l'offre de qualifications s'est trouvée allégée. Il restait cependant un déséquilibre entre les sexes dans les métiers, aussi l'initiative de la ville a-t-elle été combinée à une augmentation stratégique du nombre de postes d'apprentis financés par l'institut supérieur de formation, avec la volonté d'y attirer les filles.

Un des principaux employeurs de Bêtaville avait des difficultés à recruter des ingénieurs logiciel et envisageait de déménager dans une autre ville où ces compétences seraient disponibles. Il a demandé conseil au PABV : l'université et certains CAC ont accepté d'offrir un programme de formation intensive, avec RVA, aux adultes souhaitant embrasser la carrière d'ingénieur logiciel. Ces programmes de formation ont connu un tel succès qu'ils ont été annoncés dans toute la ville sous forme de cours du soir ainsi que de cours intensifs de quelques mois pour les diplômés sans emploi et les réfugiés hautement qualifiés. Ils proposaient un apprentissage flexible grâce à l'accumulation et au transfert de crédits, ce qui permettait aux femmes, en particulier, de pouvoir se libérer pour raisons familiales, puis de reprendre leur apprentissage.

Une réserve d'ingénieurs logiciel hautement qualifiés fut bientôt disponible et l'employeur put répondre à leurs exigences. La disponibilité d'un surplus de ces travailleurs qualifiés a incité d'autres employeurs à s'installer dans la ville, et un solide secteur informatique s'est formé dans le centre-ville. Les employeurs technologiques ont travaillé avec l'université à l'élaboration d'une fête annuelle de la technologie, qui a incité d'autres entreprises technologiques à s'installer à Bêtaville.

Lors de la définition des objectifs politiques et des interventions visant à promouvoir l'apprentissage pour l'emploi et sur le lieu de travail, il est conseillé aux villes de travailler en étroite collaboration avec les employeurs et les partenaires locaux. Les pratiques de certaines villes membres du GNLC de l'UNESCO illustrent les différentes formes de collaboration possibles avec les employeurs locaux en faveur de l'apprentissage sur le lieu de travail.

Il s'agit notamment de dispositifs d'éducation et de formation, telles que les offres de formation aux jeunes et aux adultes qui ne sont plus en études ou en apprentissage, pour qu'ils acquièrent ou perfectionnent des compétences ; de services de formation professionnelle et de développement des compétences apportés par les industries locales là où existent des possibilités d'emploi ; et de possibilités de développement professionnel offertes aux éducateurs et aux formateurs, pour qu'ils intègrent les connaissances et les compétences entrepreneuriales dans l'apprentissage formel et non formel (UIL, 2017a).

Il existe d'autres approches innovantes pour fournir un soutien et des dispositions à base de mentorat aux communautés, par exemple, en apportant un soutien continu aux adultes pour les aider à trouver et conserver un emploi, en développant des programmes pour  aligner l'orientation professionnelle dans les écoles avec le soutien aux entreprises offrant une formation sur le lieu de travail, et en proposant des ateliers et des programmes de mentorat pour promouvoir l'entrepreneuriat chez les femmes et des groupes vulnérables comme les minorités ethniques, les migrants, les groupes défavorisés et les habitants des zones rurales reculées (ibid.).

Certaines villes membres du GNLC de l'UNESCO promeuvent également l'apprentissage sur le lieu de travail en collaborant avec des employeurs et des partenaires locaux. Ces initiatives vont de la mise en place de programmes phares visant à développer les compétences de direction et d'entrepreneuriat des propriétaires et des chefs d'entreprises, à des partenariats avec les universités locales pour créer des campus université-industrie favorisant l'entrepreneuriat et la commercialisation des projets de recherche (ibid.)

Encadré 4.9. Histoire de Bêtaville

Le PABV s'est inquiété de l'impact des licenciements collectifs. Une analyse universitaire a révélé que l'emploi dans la ville était trop dépendant de quelques grands employeurs et du secteur public. Le PABV avait assisté au développement du secteur des technologies, et a donc décidé de favoriser la création d'autres entreprises nouvelles employant chacune un petit nombre de salariés, mais constituant collectivement un important secteur d'emploi. L'espoir était notamment que s'il s'agissait de créations « locales », elles resteraient sur place et absorberaient des travailleurs locaux au fur et à mesure de leur croissance. On espérait également que ces nouvelles perspectives entrepreuneuriales aideraient la ville à retenir les talents, car les jeunes hautement qualifiés et créatifs avaient tendance à aller travailler ailleurs.

Le partenariat a convenu de développer l'apprentissage en entreprise dans l'ensemble des services d'éducation et de formation tant formels que non formels. Il a planifié les soutiens, les formations, les financements et l'octroi de locaux aux nouvelles entreprises et identifié les besoins. L'université et l'institut supérieur de formation ont envoyé des étudiants contribuer à l'acquisition de compétences entrepreneuriales dès le plus jeune âge dans les écoles primaires. Les employeurs du PABV ont constaté que les compétences et les attitudes dont ils avaient besoin étaient les mêmes que celles développées par l'apprentissage en entreprise. Ils ont donc été solidaires et ont parrainé des concours d'entreprises.

L'initiative a été couronnée de succès. Et, en plus du secteur des technologies, un secteur des industries créatives, employant des diplômés de l'institut et de l'université, s'est rapidement développé dans le centre-ville, où il s'est implanté dans des espaces commerciaux désaffectés. Devant les effets bénéfiques de ces secteurs en plein essor, l'université a développé un soutien entrepreuneurial pour l'innovation dans les technologies de la santé, suscitant ainsi l'émergence d'un troisième secteur et s'attirant des financements de recherche supplémentaires.

Encadré 4.10. L'ATLV en pratique

Préparer les jeunes à l'emploi

Le maire de la ville de Bristol, au Royaume-Uni, s'est engagé à offrir des stages d'apprentissage professionnel à chaque jeune citoyen qui le souhaite. Cet engagement a été concrétisé par son intégration dans la vision stratégique élargie de la ville. Un prestataire partenaire a été mandaté pour diriger WORKS, une collaboration unique entre les employeurs, les prestataires de formation et les communautés locales, visant à développer une main-d'œuvre locale qualifiée. WORKS connecte les entreprises et les éducateurs en vue de développer des possibilités d'expérience en entreprise meilleures et mieux coordonnées et d'aider les jeunes à trouver un emploi grâce à divers types de programme, dont des stages en entreprise.

Source : UIL, 2017

4.    Faciliter et encourager l'utilisation des technologies d'apprentissage numérique

Les technologies de l'information et de la communication (TIC) ont créé de nouvelles possibilités d'éducation et d'apprentissage, notamment en améliorant l'accès aux matériels, en apportant plus de flexibilité en termes de temps et de lieu, et en répondant aux besoins des apprenants. Les villes apprenantes devraient donc promouvoir leur utilisation à des fins d'apprentissage et d'autonomisation.

L'intérêt des TIC pour l'ATLV a été examiné à la section 3.5 du chapitre 3, et tous les domaines évoqués à cette occasion s'appliquent aux villes apprenantes. Les environnements urbains jouissant généralement de niveaux élevés de connectivité internet et de développement technologique, les villes offrent de nombreuses possibilités de promouvoir l'utilisation des TIC dans l'apprentissage formel, non formel et informel. Elles ont en outre l'obligation de remédier à toute fracture numérique qui pourrait prévaloir au niveau local, tant en termes d'infrastructures que d'établissements d'enseignement. Cela signifie garantir l'accès aux TIC des habitants des zones défavorisées, et fournir aux groupes vulnérables des programmes de formation aux compétences numériques.

Les défis posés par la vie à l'ère numérique, où les technologies progressent à vive allure,  pèsent lourdement sur les générations plus âgées, pour qui il est plus difficile de répondre aux demandes croissantes de compétences exigées dans une société numérisée. Une initiative lancée à Shanghai, en Chine, soutient le développement des compétences en TIC de ses aînés grâce à un programme d'apprentissage à distance à grande échelle composé de cours en ligne en indépendant et de salles de classe virtuelles en direct animées par des enseignants de différents districts. Une analyse approfondie a permis d'adapter le contenu des cours aux besoins d'apprentissage des seniors de Shanghai (UIL, 2021).

Les villes sont de plus en plus nombreuses à intégrer les TIC pour l'ATLV dans leurs stratégies de développement de ville apprenante, comme à Fatick, au Sénégal, qui encourage l'alphabétisation numérique et propose des classes virtuelles.

Encadré 4.11. Histoire de Bêtaville

La pandémie de COVID-19 a révélé des inégalités d'accès aux technologies et à l'internet à Bêtaville, en particulier au sein des communautés défavorisées de la zone est. Le PABV a aussitôt convoqué une réunion de tous ses membres, où la gravité de la situation a été soulignée par le responsable d'éducation de la municipalité. Beaucoup d'enfants ne disposaient chez eux ni d'un appareil ni d'un accès à l'internet, et n'avaient donc plus aucun accès à l'apprentissage après la fermeture des écoles. La municipalité avait aussitôt pris des mesures de distribution de colis alimentaires aux enfants et aux familles dans le besoin, mais le problème de l'accès à l'apprentissage en ligne semblait par contre impossible à résoudre.

Les partenaires du PABV ont aussitôt proposé des solutions. Étant donné que les universités remplacent leur équipement informatique tous les trois ans, le stock d'équipements superflus pouvait être distribué aux familles qui n'avaient pas d'ordinateurs à la maison. Les écoles en ont assuré la distribution et les employeurs locaux, y voyant l'occasion d'une opération de relations publiques, ont fait don d'appareils supplémentaires. Les entreprises technologiques de la ville ont proposé de parrainer des dongles mobiles pour les enfants devant passer des examens cet été-là, en leur fournissant également un accès à l'internet pour qu'ils puissent continuer à étudier à la maison. Les centres d'apprentissage communautaires ont offert leurs cours en ligne gratuitement.

Le problème du manque d'accès à l'internet subsistait néanmoins pour les résidents de la zone est, où le service n'était pas fiable. L'équipe du PABV a donc demandé de l'aide au principal fournisseur d'accès, qui alimentait les trois plus grandes entreprises de la ville, et celui-ci a fourni l'internet gratuitement à toutes les communautés de l'est de la ville et aux familles identifiées par les écoles comme étant dans le besoin.

Un site web a également été créé pour héberger l'ensemble des cours et des matériels d'apprentissage en ligne. Les membres du PABV ont accepté de se charger de la mise en ligne, de façon que chaque enseignant puisse choisir les matières qu'il se sentait le plus à même d'enseigner. Les élèves ont ainsi pu accéder rapidement à l'ensemble du programme d'études secondaires. Les enseignants de primaire ont également assuré les cours en ligne pour permettre aux enfants d'étudier depuis chez eux, et en même temps vérifier qu'ils allaient bien et étaient en bonne santé.

Les confinements provoqués par le COVID-19 ont été particulièrement éprouvants pour les personnes âgées inscrites aux programmes d'ATLV dans des établissements d'apprentissage formels et non formels, car beaucoup n'avaient pas les compétences ou les connaissances nécessaires pour « aller sur l'internet ». Face à cette situation, de nombreux établissements ont mis en place une ligne d'écoute téléphonique et coaché individuellement chaque appelant, que celui-ci souhaite se connecter pour faire des achats, se réunir en famille ou se former. Ce service, combiné à la décision stratégique de rendre tous les cours gratuits pendant la pandémie, a entraîné une forte augmentation des inscriptions aux cours d'ATLV.

5.   Améliorer la qualité et promouvoir l'excellence de l'apprentissage

Dans le développement des villes apprenantes, l'accent devrait être mis sur l'amélioration de la qualité de l'apprentissage. Cela peut être réalisé en changeant de paradigme de l'enseignement vers l'apprentissage, et en cessant de se limiter à la transmission d'informations pour développer la créativité et les compétences d'apprentissage. Il s'agit aussi de sensibiliser aux valeurs communes et de promouvoir une tolérance pour la différence. L'emploi d'administrateurs, d'enseignants et d'éducateurs dûment formés est un autre élément clé pour répondre aux besoins d'apprentissage divers des enfants, des jeunes et des adultes.

Les villes qui intègrent l'ATLV dans leur développement ont un rôle actif à jouer dans l'amélioration de la qualité de l'apprentissage. C'est particulièrement le cas dans l'apprentissage non formel, car les villes ont généralement plus d'influence dans la mise en œuvre locale de l'éducation non formelle qu'elles n'en ont dans le secteur de l'éducation formelle. Bien que les situations varient, en fonction des contextes nationaux et locaux et des structures de gouvernance, les villes sont susceptibles d'exercer leur compétence dans plusieurs aspects importants de l'éducation non formelle, contribuant à des domaines tels que la gestion des centres d'apprentissage locaux, les interventions d'alphabétisation des jeunes et des adultes dans les bibliothèques locales, la formation des animateurs et la conception des programmes de l'éducation de base, ou le financement des programmes d'apprentissage locaux. Les objectifs politiques et les interventions visant à améliorer la qualité et à promouvoir l'excellence de l'apprentissage doivent donc tenir compte du rôle de la ville dans l'éducation non formelle.

Encadré 4.12. Histoire de Bêtaville

Il existe des mesures internationales pour comparer les performances scolaires des jeunes, et les membres du Partenariat pour l'apprentissage de Bêtaville ont constaté avec préoccupation que celles des élèves de la ville étaient loin d'être satisfaisantes. Ils ont donc lancé un projet intitulé « Qualité de l'éducation » portant sur plusieurs domaines, dont les bâtiments et les infrastructures scolaires, la formation des enseignants et l'élaboration d'un programme d'études « Pour le 21e siècle ». La municipalité a soumis ses plans ambitieux au gouvernement national, qui lui a alloué des fonds pour la rénovation de l'ensemble des établissements. La municipalité disposant également de fonds suffisants pour une nouvelle école secondaire, il a été convenu que celle-ci serait construite dans la partie est de la ville.

Un établissement local spécialisé dans l'EFTP a élaboré de nouveaux programmes de formation des enseignants, axés sur la transmission des expériences, des connaissances et des compétences dont les jeunes ont besoin pour l'emploi, l'apprentissage tout au long de la vie et la citoyenneté active. Conçu collectivement par des enseignants, le programme « Pour le 21e siècle » vise à guider les apprenants prêts à continuer d'apprendre leur vie durant, à vivre une existence saine, entreprenante et créative dans laquelle ils jouent pleinement leur rôle, et à travailler en tant que citoyens du monde de Bêtaville.

Il a été convenu que l'éducation des adultes avait un rôle important à jouer pour relever la qualité de l'apprentissage dans la ville. Les données ont révélé que les enfants dont le parent ou le tuteur participait à l'apprentissage étaient moins susceptibles de devenir des jeunes NEET, peut-être parce qu'ils le voyaient valoriser l'apprentissage, assister à ses cours et faire ses devoirs à la maison. L'équipe du PABV a en outre convenu de la nécessité de réviser les programmes d'éducation des adultes pour que celle-ci réponde à l'évolution rapide du monde, en donnant plus d'importance à l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul, et en satisfaisant à la demande de cours de langue des réfugiés. Les éducateurs d'adultes ont participé à une session de formation à l'éducation au service du développement durable (EDD), et ont accepté de l'intégrer dans l'ensemble de leurs cours et d'en proposer aussi de nouveaux sur la protection de l'environnement, dans le cadre du projet « Verdir Bêtaville ».

6.    Encourager une culture de l'apprentissage tout au long de la vie

Les villes peuvent encourager une culture dynamique de l'apprentissage tout au long de la vie en organisant et en soutenant des événements publics qui encouragent et célèbrent l'apprentissage, en fournissant des informations, des conseils et un soutien adéquats à tous les citoyens, et en les encourageant à emprunter diverses voies d'apprentissage. Elles devraient aussi reconnaître le rôle important, en tant qu'espaces d'apprentissage, des médias, des bibliothèques, des musées, des lieux de culte, des centres sportifs et culturels, des centres communautaires, des parcs et autres lieux similaires. La ville de Tunis (Tunisie), par exemple, organise pendant le mois du Ramadan des événements socioculturels qui sont promus par divers médias ‒ presse écrite, radio, télévision, internet. Les établissements culturels, tels que les cinémas, les salles de concert et les théâtres locaux, y participent également (UIL, 2017).

Pour encourager une culture de l'apprentissage tout au long de la vie, il faut mobiliser toutes les modalités d'apprentissage : formelles, non formelles et informelles. Comme expliqué précédemment, l'apprentissage informel ne peut être ni planifié ni délibérément mis en œuvre, mais on peut créer des conditions qui lui soient propices. Des institutions publiques des villes, comme les musées, les centres culturels ou les parcs, peuvent toutes être conçues de manière à encourager l'apprentissage informel en le rendant agréable et digne d'être célébré. Il faut pour cela un engagement au niveau institutionnel, qui célèbre l'apprentissage à travers les activités quotidiennes. Des événements festifs peuvent également être organisés dans les villes pour favoriser une culture de l'apprentissage, comme cela se fait dans de nombreuses villes du GNLC de l'UNESCO. La ville apprenante irlandaise de Cork, par exemple, organise chaque printemps depuis 2004 une fête annuelle de l'apprentissage tout au long de la vie. L'objectif est de promouvoir et de célébrer l'apprentissage sous toutes ses formes, pour des personnes de tous âges, de toutes capacités et de tous centres d'intérêt, du préscolaire à l'âge de la retraite. Depuis quelques années, c'est désormais une célébration d'une semaine qui réunit plus de 600 événements, tous proposés gratuitement au public. La fête a également contribué à mettre les EES en contact avec des groupes marginalisés. Au fil des ans, elle est devenue un élément important de la vie des citoyens de Cork, offrant une variété d'expériences d'apprentissage dans toute la ville (UIL et NILE, 2015).

Encadré 4.13. Histoire de Bêtaville

Une des membres du PABV a été invitée en Irlande pour assister à la Fête de l'apprentissage de Cork. Elle s'est extasiée devant cette incroyable célébration de l'apprentissage. Pleine d'enthousiasme, lors de la réunion du PABV suivante, elle a proposé que Bêtaville organise également une fête de l'apprentissage. Les autres partenaires ont été conquis, mais ont vu certains obstacles, le premier étant la question du financement.

Après une discussion animée au cours de laquelle chaque partenaire a plaidé le manque de moyens, tous ont convenu de commencer par organiser leurs événements communautaires habituels la même semaine afin d'en évaluer le nombre. Aucun budget spécial n'a été prévu, chacun apportant comme toujours ses propres ressources d'apprentissage. L'institut supérieur de formation a prévu d'organiser des journées de présentation à travers la ville, le service d'ATLV de la municipalité d'ouvrir au public l'ensemble de ses cours habituels, et un grand employeur d'organiser des séances de découverte des TIC à l'intention des personnes âgées.

Une deuxième difficulté se présentait : comment assurer la coordination et la publicité d'un tel événement ? Aucun des partenaires n'avait encore jamais organisé de fête de l'apprentissage à l'échelle d'une ville. Ils ont donc contacté les animateurs du carnaval annuel de Bêtaville, qui leur ont prodigué de précieux conseils sur la programmation, la gestion du public, la question des assurances et les aspects commerciaux. Sur leurs conseils, le PABV a convoqué une première réunion et invité à y assister tous ceux qui organisaient des événements d'apprentissage dans la ville : grandes entreprises, prestataires d'enseignement et de formation continue, universités, musées et galeries d'art, éducation pénitentiaire, compagnies d'artistes, de danseurs, d'artisans et de musiciens, apiculteurs et historiens, entrepreneurs et formateurs en entreprise. La réunion a été un succès : subitement, plus de 400 événements étaient proposés pour animer la semaine de fête.
 
Le troisième défi était la météo, une semaine sans pluie étant difficile à prévoir. On a donc sollicité l'aide d'une dirigeante de l'hôtellerie locale. Celle-ci a proposé de parrainer la location de chapiteaux dans le centre-ville, dans l'idée de donner une atmosphère colorée à la fête et de fournir des abris en cas de besoin, mais aussi à des fins de relations publiques pour son établissement. Les élèves d'arts appliqués de l'institut supérieur de formation ont conçu et fabriqué des bannières publicitaires à accrocher aux réverbères, et ont adressé aux écoles des dossiers de préparation de la fête de l'apprentissage. Un musicien a composé spécialement une chanson de fête qui a été enseignée aux écoles et aux ensembles musicaux.
 
De nombreuses formes d'apprentissage ont été célébrées, de la poterie, du feutrage, de la technique du vitrail, de la danse orientale, des orchestres de ukulélés et de guitares aux promenades historiques, à l'écriture créative, aux visites de musées, aux événements de formation des employés, au coaching entrepreneurial, aux initiations linguistiques et aux exercices de vulgarisation scientifique avec les chercheurs de l'université. Il est en effet paru important aux partenaires de présenter et de célébrer toutes les formes d'apprentissage proposées dans la ville.

Au total, plus de 10 000 résidents de Bêtaville ont pris part aux événements de découverte, ce qui a entraîné une forte augmentation des inscriptions dans les possibilités d'apprentissage et fait de cette fête un immense succès pour le développement d'une culture d'apprentissage tout au long de la vie à Bêtaville.

Les six domaines d'action ci-dessus fixent quelques unes des options qui s'offrent aux décideurs une fois qu'un problème a été identifié. Ils sont généralement le résultat d'un dialogue ou d'une interaction entre les experts, les décideurs politiques et les parties prenantes. Dans le cas du modèle des villes apprenantes, ces six suggestions constituent une feuille de route reconnue, basée sur l'expérience et l'observation de nombreuses interventions dans différentes régions du monde.

Encadré 4.14. Histoire de Bêtaville

Ayant mis en œuvre les six interventions ci-dessus, le PABV a tenu une réunion de bilan des progrès accomplis vers la construction d'une ville apprenante. L'un de ses membres a alors suggéré que Bêtaville envisage de faire une demande pour rejoindre le Réseau mondial UNESCO des villes apprenantes. Les membres du PABV ont d'abord trouvé l'initiative prématurée, estimant qu'en dépit des grands progrès accomplis, Bêtaville avait encore de nombreux défis à relever et ne pouvait pas encore prétendre au titre de « ville apprenante ».

L'université a fait remarquer que l'adhésion à un partenariat prestigieux internationalement reconnu et axé sur l'apprentissage serait bénéfique pour les partenariats universitaires et le recrutement d'étudiants internationaux. Le responsable de l'éducation de la ville, accompagné d'un haut dirigeant de l'université, s'est mis en rapport avec l'Institut de l'UNESCO pour l'apprentissage tout au long de la vie, qui a encouragé Bêtaville à faire une demande d'adhésion et dirigé les représentants de la ville vers les Documents d'orientation du GNLC de l'UNESCO.

Ces documents expliquent que la qualité de ville apprenante n'est pas un état, mais un processus. Ils ont été présentés par le responsable de l'éducation de la ville lors de la réunion du PABV suivante, où il a été convenu que la ville solliciterait son adhésion au GNLC de l'UNESCO, la démarche étant coordonnée par les autorités locales avec le soutien de l'université. La première étape a consisté à faire le point sur les progrès accomplis lors des six interventions, puis à examiner les trois conditions essentielles à la mise en œuvre de l'apprentissage tout au long de la vie dans Bêtaville.

Conditions nécessaires à la mise en œuvre de l'ATLV dans les villes apprenantes

Outre les six domaines d'action évoqués précédemment, qui peuvent servir de cadre pour la conception et la mise en œuvre des innovations politiques, le concept de ville apprenante de l'UNESCO identifie trois conditions essentielles à la mise en œuvre de ce modèle : (1) une volonté et un engagement politiques fermes de la part du gouvernement local ; (2) un modèle de gouvernance participative impliquant toutes les parties prenantes concernées ; et (3) la mobilisation et l'exploitation des ressources.

1.   Volonté et engagement politiques fermes

Construire une ville apprenante et faire de sa vision une réalité durable exige un engagement politique fort. C'est aux gouvernements locaux qu'il incombe au premier chef de mobiliser des ressources politiques pour concrétiser la vision de la ville apprenante. Un leadership politique fort est par conséquent nécessaire pour élaborer et mettre en œuvre de stratégies d'ATLV bien fondées et participatives, et suivre en permanence les progrès accomplis vers la réalisation de la ville apprenante. Dans beaucoup de villes apprenantes, ce sont les autorités locales qui supervisent l'organisation des projets liés à la stratégie de ville apprenante, mais elles le font en coopérant étroitement avec les parties prenantes du secteur privé et de la société civile (UIL, 2017).

Idéalement, l'approche de la ville apprenante ne profitera pas seulement aux villes elles-mêmes, mais elle favorisera également l'apprentissage tout au long de la vie et le développement durable dans le pays tout entier. L'esprit de la ville apprenante peut se propager en tant que bonne pratique d'une ville à l'autre et susciter une initiative à l'échelle nationale. Les gouvernements nationaux et provinciaux peuvent promouvoir et piloter activement le développement des villes apprenantes dans leur pays par l'élaboration de politiques nationales, un soutien à la recherche et l'allocation de ressources dédiées aux villes apprenantes. Cependant, il est clair que la réalisation des plus larges avantages de la ville apprenante nécessite un engagement politique fort, non seulement au niveau local mais aussi de la part des décideurs régionaux et nationaux.

Encadré 4.15. Histoire de Bêtaville

Le maire et l'équipe municipale de Bêtaville se sont pleinement engagés à faire de leur ville une ville apprenante. Mais un changement politique à sa tête pouvait modifier les plans du PABV. Une réunion du PABV a donc été convoquée, et ses membres ont convenu que le meilleur moyen d'assurer la pérennité de l'initiative de ville apprenante en cas de changement d'équipe municipale était de l'intégrer dans les politiques d'éducation et de formation de la ville. Réagissant favorablement, les responsables municipaux ont signé un accord multipartite prévoyant que le développement de Bêtaville en tant que ville apprenante soit inscrit à titre de projet permanent dans les documents de politique de la ville. Ceci impliquait aussi qu'un budget annuel soit désormais alloué pour promouvoir les initiatives de ville apprenante de Bêtaville.
 
Afin de poser sa candidature d'adhésion au Réseau mondial UNESCO des villes apprenantes, Bêtaville a demandé le soutien de la Commission nationale pour l'UNESCO. Selon les règles d'adhésion, chaque commission peut avaliser les candidatures de trois villes au maximum. Des représentants de la Commission nationale ont été invités à assister à la fête de l'apprentissage de Bêtaville, où ils ont rencontré des membres du PABV afin d'examiner l'état d'avancement du projet de ville apprenante.

De nombreuses autres villes du pays étant désireuses de postuler à l'adhésion au GNLC cette année-là, Bêtaville s'est félicitée d'avoir été proposée par la Commission nationale en reconnaissance des progrès déjà accomplis.

2.    Gouvernance participative et multi-niveaux

Redisons-le, la construction d'une ville apprenante nécessite une approche de gouvernance multi-niveaux fondée sur une forte volonté politique des gouvernements nationaux, provinciaux et locaux. Soutenues par l'engagement indéfectible de leurs responsables politiques et de leurs administrateurs, les villes devraient appliquer une approche participative et associer différentes parties prenantes à la prise de décision publique, notamment en engageant un dialogue continu et ouvert avec la société civile. De nombreuses autorités locales ont élaboré des stratégies pour renforcer la participation des citoyens aux processus de prise de décision et de mise en œuvre, à savoir, entre autres, la budgétisation participative, les comités de quartier, les conseils de jeunes et diverses solutions de gouvernance électronique (ONU-Habitat, 2015).

Encadré 4.16. Histoire de Bêtaville

Le Partenariat pour l'apprentissage de Bêtaville associait déjà à ses projets de développement un large éventail de prestataires d'éducation, d'employeurs du secteur privé, d'ONG et d'établissements formels ou non formels intéressés. Un observateur des autorités régionales a également été invité à les rejoindre. Une réflexion sur la gouvernance multi-niveaux a révélé que les citoyens n'étaient pas associés à la gouvernance de la ville apprenante. Le PABV a donc décidé de créer des quartiers d'apprentissage, ayant chacun un représentant au sein d'un Conseil des quartiers d'apprentissage. Des représentants des groupes de jeunes, des minorités ethniques, des migrants et des femmes ont été encouragés à s'y joindre, de façon à impliquer un échantillon représentatif de citoyens. Le Conseil des quartiers d'apprentissage devait avoir deux représentants au sein du PABV, l'un venant de la zone est et l'autre de la zone ouest.

Un financement annuel devait être attribué au quartier d'apprentissage de chaque partie de la ville pour l'élaboration d'un nouveau programme. Le PABV a également convenu que les programmes d'apprentissage auraient pour thème le « renforcement de la citoyenneté » et porteraient sur les droits de l'homme, l'éducation à la paix, l'éducation au service du développement durable, l'éducation pour la compréhension internationale et tout autre sujet connexe.

Les relations entre les parties prenantes peuvent être verticales (entre différents niveaux de gouvernement, on parle alors de gouvernance multi-niveaux), horizontales (au sein d'un même niveau, par exemple entre des ministères ou des collectivités locales, on parle alors de gouvernance intersectorielle) ou les deux. Des partenariats avec des acteurs non gouvernementaux, tels que les organisations de la société civile ou le secteur privé, sont également nécessaires pour atteindre les objectifs communs. En outre, la gouvernance urbaine devrait être sensible au genre et faciliter l'inclusion et la participation des jeunes, des minorités et d'un échantillon représentatif de citoyens.

Encadré 4.17. L'ATLV en pratique

La gouvernance participative de l'ATLV dans les villes

La ville de Melton, dans l'État du Victoria, en Australie, a créé un Bureau de l'apprentissage communautaire (Community Learning Board, CLB), un mécanisme de gouvernance qui donne aux communautés et aux organisations une influence directe sur la conception et la supervision des stratégies d'apprentissage tout au long de la vie traitant de problèmes sociaux et économiques. Les membres du CLB sont nommés pour quatre ans ou pour la durée d'un plan d'apprentissage communautaire, élaboré par le CLB pour mettre en œuvre la stratégie de ville apprenante de Melton. Le CLB est généralement présidé par le maire et comprend des dirigeants de divers secteurs : commerce et industrie ; ONG et organisations à but non lucratif (OBNL) ; services de l'emploi ; établissements primaires et secondaires publics et privés ; universités et établissements d'enseignement professionnel ; éducation des adultes ; services de la reprise d'études ; éducation de la petite enfance ; secteur de la santé ; prestataires d'éducation aux personnes handicapées ; représentants communautaires ; ministère de l'éducation et du développement de la petite enfance du Victoria. Un conseiller municipal de Melton, le directeur général du conseil et les principaux gestionnaires et membres du conseil concernés par la mise en œuvre des objectifs du plan d'apprentissage communautaire en font également partie.

Source : UIL et NILE, 2015

3.    Mobilisation et exploitation des ressources

Pour mettre en œuvre l'ATLV dans les villes apprenantes, la mobilisation et l'exploitation des ressources sont des conditions essentielles. Les villes et les communautés qui investissent dans l'ATLV pour tous ont constaté des améliorations significatives en termes de santé publique, de croissance économique, de réduction de la délinquance et d'augmentation de la participation à la vie démocratique. Pour disposer des moyens de construire et de soutenir une ville apprenante, il est essentiel d'encourager les gouvernements, la société civile, les organisations du secteur privé et les individus à investir davantage dans l'apprentissage tout au long de la vie. Ils peuvent le faire au moyen de partenariats de financement multiparties prenantes, de mécanismes de partage des coûts, de cofinancements ou de parrainages, et en créant des liens avec des partenaires philanthropiques ou du secteur privé.

On trouve un bon exemple de mécanisme de partage des coûts à Villa María, en Argentine, où un partenariat multiparties prenantes a été établi entre divers instituts publics et privés, qui affectent chacun leur propre budget pour contribuer au projet de ville apprenante. Afin de garantir une représentation équitable des multiples acteurs financiers du projet, un Conseil de ville apprenante a été créé et ensuite ratifié par le conseil municipal. Ce Conseil est chargé de former des comités, de planifier des actions favorisant l'apprentissage tout au long de la vie dans la ville et d'assurer la liaison avec les forums locaux tels que les groupes d'activités et d'événements et les comités de liaison communautaire. L'approche de partage des coûts de Villa María en matière de financement a permis une augmentation substantielle des ressources humaines et des possibilités d'apprentissage, ainsi que la représentation d'un plus large éventail de secteurs, dont le secteur de l'éducation, le secteur de la production et les organisations communautaires (UIL, 2017).

Les possibilités de mobilisation et d'exploitation des ressources vont bien au-delà des mécanismes de partage des coûts, elles comprennent aussi des moyens non financiers, tels que l'utilisation des ressources de toutes les parties prenantes (lieux culturels, bibliothèques, restaurants, centres commerciaux) comme sites d'apprentissage. L'apprentissage est ainsi mis à disposition au plus près des populations, ce qui facilite l'accès de tous. Un autre recours à des ressources non monétaires consiste à inviter les citoyens à apporter bénévolement leurs talents, compétences, connaissances et expériences et à encourager l'échange d'idées, d'expériences et de meilleures pratiques entre les organisations de différentes villes. Contagem, au Brésil, par exemple, a lancé un projet de « coordonnateur communautaire », qui encourage les responsables communautaires à promouvoir le concept d'ATLV en collaboration avec le personnel de différents services municipaux et organismes du secteur privé. Pour soutenir l'utilisation dynamique des ressources, les universités participent au financement du projet et mettent à disposition des salles pour des conférences, des réunions et des ateliers destinés aux fonctionnaires membres des comités de gestion (ibid.).

Encadré 4.18. Histoire de Bêtaville

Le Partenariat pour l'apprentissage de Bêtaville a compris qu'il fallait modifier l'éventail des compétences disponibles afin de procurer aux citoyens de nouveaux débouchés d'emploi pour l'avenir. Il a donc procédé à l'« analyse détaillée des besoins de compétences » pour tous les secteurs d'emploi existants et émergents de Bêtaville, en sollicitant leur avis sur les besoins de compétences futurs. Parallèlement, l'université, en collaboration avec les établissements locaux d'EFTP, a effectué une analyse prospective afin de recenser les domaines potentiels d'investissement dans la ville et la région pour le développement des énergies renouvelables, des technologies de construction zéro carbone et économes en énergie, de l'économie circulaire, de la blockchain, de l'intelligence artificielle et de l'innovation dans les technologies de la santé, tous ces secteurs étant soit en développement, soit émergents dans la région, et formant aussi des domaines d'expertise en plein essor au sein de l'université et de l'institut supérieur de formation.

Le PABV a présenté une importante demande de financement au gouvernement national pour le développement intensif de ces nouveaux domaines de compétences. Impressionné par son esprit d'entreprise, le gouvernement national a accepté de financer l'Initiative pour les compétences de Bêtaville dans le cadre de son plan de développement régional. Afin d'appuyer chaque nouveau projet de développement industriel, l'université et l'institut ont créé des centres d'excellence et des services gratuits de formation aux compétences nécessaires.

La pandémie de COVID-19 a révélé la nécessité d'une éducation à la santé et d'un environnement plus sain dans la ville. Il ne s'agissait pas seulement de freiner la transmission du virus, mais de promouvoir des modes de vie plus sains pour tous les citoyens et de lutter contre les causes sous-jacentes de vulnérabilité sanitaire.

Un des conseils de quartiers d'apprentissage s'est inquiété de la qualité de l'air et a élaboré un projet de surveillance à l'échelle de la ville, dont les observations ont été transmises au PABV. Par suite, l'université a lancé un projet de recherche pour la réduction des émissions de particules de la principale usine située à l'est de la ville, en collaboration avec des partenaires internationaux s'attaquant au même problème, et contactés grâce au GNLC de l'UNESCO. La municipalité a créé un parc relais pour les voitures afin de réduire la circulation dans la partie est de la ville, introduit des zones sans voiture dans le centre-ville et augmenté l'offre de pistes cyclables et de parcs à vélos sécurisés.

Un projet visant à « Verdir Bêtaville » a été lancé par une ONG environnementale et adopté avec enthousiasme par la municipalité. Les propriétaires ont reçu des subventions pour créer des toits et des murs végétalisés sur les immeubles du centre-ville et de nouveaux espaces verts ont été créés en modifiant la conception des voies de circulation et en utilisant les zones plantées pour réduire le ruissellement des eaux et la pollution sonore. On a laissé pousser les plantes dans les espaces verts et les parcs publics, ce qui a créé des zones de flore sauvage et des refuges pour la faune. Le personnel de l'université a installé des ruches sur le campus et les étudiants ont construit des cabanes écologiques destinées à l'éducation à l'environnement. Les quartiers d'apprentissage ont créé des jardins communautaires, aussitôt adoptés avec enthousiasme pour la production potagère.

L'éducation des adultes autonomise les apprenants et leur donne la confiance nécessaire pour s'affirmer et travailler en collaboration pour répondre aux besoins locaux. Les éducateurs d'adultes avaient intégré l'éducation au service du développement durable dans leurs programmes, sensibilisant ainsi les apprenants de l'est de Bêtaville aux dangers du changement climatique. Ils ont formé un cercle d'étude (voir la section 3.3.1) et se sont inquiétés des risques potentiels d'inondation dans leur communauté et des niveaux élevés de pollution du fleuve. Le cercle d'étude s'est élargi pour finalement former un « Groupe de prévention des inondations du quartier d'apprentissage de l'est », qui a contacté l'organisme national de surveillance de la pollution et les responsables de l'environnement de la ville.

À la suite d'une réunion mouvementée, l'organisme de surveillance s'est engagé à dresser un plan d'action afin de s'attaquer au problème de la pollution agricole en amont. La municipalité a également suivi les suggestions du groupe en travaillant avec le grand employeur de la rive est de l'estuaire à la création d'une plaine inondable artificielle. Une vaste surface de terrain dont cet employeur n'avait plus besoin du fait du déclin industriel a été remise en zone humide avec déversement dans la mer, ce qui a réduit le risque d'inondation dans les quartiers est. Les bénévoles de la communauté ont construit des affûts pour l'observation des oiseaux, ceux-ci étant revenus peupler la zone humide.

Ces réponses aux questions de durabilité sont en lien direct avec l'apprentissage des adultes, et démontrent que celui-ci peut aider à résoudre des problèmes majeurs pour nos communautés.

4.2.3. Mettre en place un système de suivi et évaluation

Concevoir un système de suivi et évaluation des politiques visant à atteindre un large ensemble d'objectifs, comme c'est le cas des villes apprenantes, est à coup sûr une tâche complexe. Bien qu'il existe quelques modèles de suivi élaborés pour les villes apprenantes, c'est l'un des domaines dans lesquels on manque encore de recherches comparatives sur les bonnes pratiques.

Dans la mesure où les données collectées visent à informer les décideurs à des fins de planification et de reddition des comptes, il est important que les processus et objectifs clés soient représentés par des indicateurs et des mesures fiables. En outre, les systèmes de suivi et d'évaluation doivent correspondre aux critères et objectifs fixés lors des étapes précédentes du processus de conception des politiques.

La figure 4.1 énumère une série de caractéristiques et de mesures clés élaborées par l'UIL (2015b), à titre d'exemple d'un système d'indicateurs de suivi et évaluation pouvant s'appliquer à la ville apprenante. Bien qu'il ne s'agisse que de mesures de base des résultats escomptés, la figure ci-dessous indique comment désagréger des objectifs généraux en actions spécifiques et comment traduire ces actions en objectifs précis à atteindre.

Figure 4.1 :  Indicateurs de suivi et évaluation

Figure 4.1 :  Indicateurs de suivi et évaluation

Source: UIL, 2015b

Encadré 4.19. L'ATLV en pratique

Indicateurs et systèmes de suivi de l'ATLV dans les villes

Les villes membres du GNLC de l'UNESCO s'efforcent de développer leurs propres indicateurs et systèmes de suivi, à l'image de la ville apprenante de Goyang (République de Corée), qui a récemment adopté une vision centrale de ville apprenante afin de faciliter et de promouvoir un apprentissage durable et inclusif, la participation des communautés et des possibilités d'apprentissage tout au long de la vie. Ces objectifs jettent les bases du développement de Goyang en tant que ville d'ATLV. Conformément aux caractéristiques clés des villes apprenantes du GNLC de l'UNESCO, Goyang porte ses efforts dans une série de domaines, axés sur le développement des infrastructures de base, et des infrastructures informatiques, financières, organisationnelles et politiques. Des indicateurs concernant ces domaines ont été élaborés grâce à une série d'enquêtes publiques, analysées de manière critique par des experts jusqu'à l'obtention d'un consensus sur des indicateurs appropriés, fiables et pertinents. L'analyse des données pour chacun de ces domaines est assurée en permanence par des systèmes d'évaluation qualitative, dans le but d'affiner et d'examiner régulièrement les indicateurs en tenant compte des caractéristiques régionales de Goyang et des effets d'un monde en constante évolution.

Beijing, en République populaire de Chine, a lancé son développement en ville apprenante en 2000. Elle a depuis mis au point un système complet d'indicateurs de suivi pour soutenir ses objectifs. Parmi les exemples d'indicateurs quantitatifs figurent le PIB par habitant, le nombre d'établissements et d'équipements communautaires de services aux personnes âgées et le taux de participation annuel des résidents urbains et ruraux à l'éducation communautaire. Quant aux indicateurs qualitatifs, ils mesurent, par exemple, l'étendue de la publicité faite aux districts d'apprentissage, la mise en place efficace de ces districts et la promotion des stratégies de développement régional.

En 2020, les données sur les indicateurs recueillies dans le cadre du processus de suivi ont donné lieu à un rapport résumant les expériences et les défis de Beijing et proposant des suggestions d'améliorations futures. Ce rapport a été présenté à la Commission municipale de l'éducation, afin d'éclairer l'élaboration des politiques et d'améliorer les efforts de la ville.

Les départements d'éducation de Beijing se sont depuis efforcé de créer une plateforme d'information pour que la collecte et la communication des données sur les indicateurs puissent être partagées efficacement entre les départements de gestion de l'éducation des districts et la Commission municipale de l'éducation de Beijing. On a également pu observer dans plusieurs districts des améliorations dans la planification et la gestion de la ville apprenante, suite à des incitations favorisant la participation communautaire et le développement des infrastructures urbaines.

Sources :  Goyang Research Institute, 2020; Beijing Academy of Educational Sciences, 2021

En plus d'assurer la disponibilité des informations, il est important de créer les conditions de promouvoir une utilisation efficace du suivi et de l'évaluation, autrement dit, de garantir que toute information puisse être utilisée pour appuyer la prise de décision. Les décideurs politiques devraient réfléchir à la manière dont les informations collectées peuvent être utilisées par les défenseurs de l'ATLV de façon que tous en comprennent et s'en approprient la philosophie et la démarche. Ils devraient adopter une position critique à l'égard des initiatives d'ATLV afin d'identifier les lacunes ou les problèmes nécessitant une attention particulière. Citons, parmi ceux-ci, la nécessité d'assurer à tous un environnement d'apprentissage sûr, de combler la fracture numérique (qui peut conduire à l'exclusion de certains apprenants), de répondre aux besoins d'apprentissage des personnes handicapées, de promouvoir un enseignement sensible au genre, et de permettre d'accéder à diverses modalités d'apprentissage, notamment en ayant conscience des disparités d'accès des populations urbaines et rurales. Les chefs d'établissements d'éducation devraient s'efforcer de produire un document de stratégie institutionnelle pour l'apprentissage tout au long de la vie, puis d'engager un effort collectif de mise en œuvre de cette stratégie.

Les décideurs politiques devraient aussi envisager d'accroître le nombre les travaux de recherche sur l'ATLV en favorisant les collaborations et la transdisciplinarité, ainsi que la réflexion sur la manière dont l'interconnexion des apprentissages transcende les catégories et les frontières traditionnelles. En soutenant et en diffusant la recherche, les EES peuvent renforcer l'ATLV non seulement au niveau local, au sein même des établissements, mais aussi au niveau national et international.

Encadré 4.20. Histoire de Bêtaville

Une des bases pour l'édification d'une ville apprenante consiste à élaborer un système de suivi et d'évaluation des progrès. Le Partenariat pour l'apprentissage de Bêtaville a organisé un forum réunissant les spécialistes de l'évaluation des services éducatifs de l'université, de l'institut supérieur de formation et de la mairie. Les participants ont convenu de la nécessité d'élaborer un plan d'évaluation pour mesurer les progrès de la réalisation des ODD dans la ville, notamment en matière de promotion de l'apprentissage tout au long de la vie. Un document du GNLC de l'UNESCO intitulé Les villes apprenantes et les ODD : un guide d'action a fourni de précieuses orientations (voir également la section 1.1.2). L'adoption de cette approche globale suppose que non seulement les prestataires d'éducation et de formation, mais aussi l'ensemble des institutions de la ville, en tant que partenaires au sein du PABV, contribuent aux objectifs d'ATLV de Bêtaville. Les données collectées peuvent également être utilisées pour informer le gouvernement national des progrès réalisés localement vers la réalisation des ODD.

Plus ses membres examinaient les ODD, plus ils réalisaient que leur travail de construction d'une ville apprenante avait effectivement aidé Bêtaville à devenir plus durable. S'inspirant du modèle établi à Goyang, en République de Corée (voir l'encadré 4.19), le PABV a décidé de prendre ces interrelations comme base du système de suivi et d'évaluation du développement de la ville apprenante.

Il reste encore de nombreux défis à relever à Bêtaville, notamment la probabilité d'une augmentation du nombre de migrants et de réfugiés qui viennent s'y installer. Ils ont de nombreuses raisons de le faire ‒ l'existence de conflits dans les pays limitrophes, les urgences et les pressions causées par le changement climatique, ou des raisons économiques. Comme indiqué dans l'encadré 4.2, les citoyens de Bêtaville ont une grande réputation d'accueil envers les personnes dans le besoin. Il a donc été convenu par le PABV que Bêtaville ne se contenterait pas de réagir, mais se préparerait de manière proactive à cette accroissement démographique.

Cherchant l'inspiration chez les autres membres du GNLC de l'UNESCO, les partenaires du PABV ont découvert la réponse apportée par les villes de Larissa, en Grèce, et de Swansea,

au Royaume-Uni, à l'afflux de réfugiés. Ces deux études de cas ont incité Bêtaville à prévoir de nouveaux logements, un soutien linguistique, des places à l'école et des possibilités de formation pour adultes afin d'accueillir les nouveaux venus. La municipalité a recensé les logements vacants pouvant être rénovés et utilisés, tandis que l'institut supérieur de formation et le PABV planifiaient des programmes supplémentaires d'apprentissage de la langue. Enfin, l'autorité de santé s'est assurée qu'un soutien psychologique serait disponible au cas où les réfugiés auraient subi des événements traumatisants.

Le PABV a compris l'utilité de son expérience en matière d'élaboration de systèmes de RVA des acquis d'apprentissages non formels et informels, car de nombreux réfugiés pouvaient avoir perdu leurs titres officiels au cours de leur voyage. L'université a proposé de gérer un service de reconnaissance, pour que les réfugiés hautement qualifiés possédant des certifications acquises à l'étranger puissent rapidement les voir reconnues et trouver un emploi. Plus important encore, un appel lancé par l'intermédiaire des quartiers d'apprentissage a aussitôt reçu une réponse cordiale de la part des habitants qui ont rassemblé des vêtements et des produits de première nécessité.

Les zones rurales entourant Bêtaville manquent d'infrastructures culturelles et de nombreux districts souffrent de la pauvreté, aussi le plan de développement comprend-il une extension de la ville apprenante à l'ensemble de la région. C'est la démarche qu'a entreprise la ville de Trieste, en Italie, un autre membre du GNLC de l'UNESCO.

Le transport reste toutefois un problème à Bêtaville, qui ne dispose pas encore des infrastructures nécessaires pour passer aux véhicules électriques. Une des idées est de créer des passerelles aériennes pour les piétons et les cyclistes, mais il faut d'abord réaliser des études de faisabilité, car les vents ont été très forts lors des événements climatiques récents. La ville apprenante de Medellín, en Colombie, a créé un réseau ferroviaire qui irrigue la ville dans quatre directions, pour ensuite atteindre les zones rurales montagneuses au moyen de funiculaires et de téléphériques, ce qui permet à l'ensemble des communautés d'accéder à moindre coût au centre-ville, et donc à l'emploi et à l'éducation. Bêtaville n'a pas de collines escarpées, mais ses communautés de la zone est sont isolées du reste de la ville par l'absence de transports en commun abordables. On pourrait y remédier par un tramway électrique ou tout autre moyen de transport, mais il faut d'abord trouver le moyen d'en réduire le coût pour les usagers.

Les énergies renouvelables sont considérées comme une autre possibilité d'investissement, et la ville réfléchit à la manière de les développer avec le moins d'impact possible sur la vie quotidienne des citoyens. La recherche universitaire est devenue un élément clé de l'initiative de ville apprenante de Bêtaville, qui aide le PABV à adopter des décisions éclairées et des plans réalisables.   

La mesure des progrès par rapport aux ODD a mis en évidence l'effet considérable de l'initiative de ville apprenante de Bêtaville sur le déséquilibre entre les zones est et ouest de la ville, ainsi que les immenses progrès réalisés par rapport à l'ODD 4. Voir l'étendue des progrès réalisés est une bonne source de motivation pour engager de nouveaux efforts, aussi la municipalité a-t-elle décidé d'organiser une commémoration de la ville apprenante à l'intention de tous ses citoyens, pour leur redonner du moral après plusieurs années difficiles. De plus, Bêtaville a été informée qu'elle avait été acceptée au sein du Réseau mondial UNESCO des villes apprenantes. La nouvelle a été accueillie avec une immense joie par le PABV, qui l'a annoncée lors de l'inauguration de la deuxième fête de l'apprentissage de Bêtaville, pour qu'elle puisse être saluée par toute la ville et ses communautés.

En raison de la poursuite des restrictions dues au COVID-19, la fête s'est déroulée à l'extérieur, mais elle était accessible à tous et gratuite. La ville avait décidé d'organiser un spectacle de son et lumière, conçu avec la mer en arrière-plan et de façon à pouvoir être vu par tous les habitants depuis leur domicile. La décision a remporté un vif succès et pourrait être répétée dans les années à venir, car Bêtaville continue de progresser vers son projet de ville apprenante.

4.2.4. Apprendre en faisant : s'améliorer continuellement en tant que ville apprenante

Mettre en place un politique d'ATLV exige des efforts continus pour l'améliorer, en tirant les enseignements de sa conception et de sa mise en œuvre, tout en tenant compte de l'évolution constante des problèmes publics et des facteurs contextuels. Dans le cas du modèle de ville apprenante, cela signifie qu'il faut garder à l'esprit qu'on n'atteint pas le « statut de ville apprenante » par une liste préétablie d'interventions. Comme souligné dans les documents d'orientation du Réseau, la construction d'une ville apprenante est « un processus continu », qui ne se résume pas à « franchir une ligne magique au-delà de laquelle les villes auraient droit à l'appellation de ville apprenante » (UIL, 2015, p. 10 [N. d. T. date de la référence modifiée]). Fondamentalement, pour les parties prenantes impliquées dans la mise en œuvre du modèle de ville apprenante, la reconnaissance de ce « processus continu » est une condition essentielle du perfectionnement de la politique. Enfin, dans la mesure où le processus politique est dynamique et non linéaire, les étapes de « perfectionnement » ne signifient pas que le cycle est achevé : il est toujours conseillé de se repencher les étapes précédentes.

Le présent chapitre s'est d'abord interrogé sur la place de l'ATLV dans les zones urbaines, avant de présenter un cas d'étude, l'histoire de Bêtaville, afin de montrer brièvement comment peuvent être appliquées les orientations contenues dans le présent manuel, en matière d'élaboration des politiques nationales et de conception des stratégies de mise en œuvre de l'ATLV. L'exemple de Bêtaville donne une idée concrète du processus d'élaboration des politiques, et de la manière dont les critères nécessaires à la conception des stratégies de mise en œuvre peuvent être appliqués à une politique d'ATLV particulière. La même approche peut être utilisée pour d'autres politiques d'ATLV, quel que soit le niveau de mise en œuvre visé, afin d'adapter les orientations fournies dans ce manuel aux spécificités du contexte national.

LLL policy-making and implementation through the learning city model

Soumis par uil_maintainer le ven 04/11/2022 - 14:45

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